« Le CORBUSIER, espaces communs, espaces partagés »
Résonance / Biennale d’Art Contemporain Lyon
Pénombre et Illumination.
Sur les photographies de Christophe Guery
Lʼintérêt particulier que Le Corbusier accordait à la photographie était principalement fondé sur la relation étroite et durable quʼil entretint avec Lucien Hervé. Si lʼarchitecte appréciait le travail du photographe, cʼest parce quʼil pensait reconnaître à travers le regard dʼun tiers lʼimage de sa propre intention créatrice. Lucien Hervé sʼattachait à faire ressortir le plan, la situation et les caractéristiques principales des bâtiments pour les intégrer dans une composition attrayante, nʼhésitant pas à réaliser des vues rapprochées, des cadrages serrés confinant à lʼabstraction.
Si lʼapproche de Christophe Guery se situe dans le prolongement de ce privilège accordé à lʼabstraction, cʼest avec une toute autre option. Le choix de photographier en couleur les murs et les volumes bétonnés de la Cité Radieuse à Marseille place au second plan lʼaspect documentaire de sa série au profit dʼune expérience originale de lʼimage centrée sur les atmosphères tantôt lumineuses, tantôt obscures des lieux de vie.
La vision du bâtiment est sciemment composée depuis lʼintérieur des couloirs ou des déambulatoires, de sorte que sa délimitation externe soit évoquée par les ouvertures pratiquées dans les façades ou les portes vitrées qui ouvrent la perspective panoramique des environs. La couleur met en évidence des oppositions flagrantes entre des zones éclairées par des trouées de lumière et dʼautres où lʼépaisseur des structures statiques ne montre que la grisaille des matériaux.
Entre lʼaustérité rugueuse du béton, la rouille des cadres métalliques et les anfractuosités des façades rehaussées de peintures vives – bleues, jaunes, rouges, qui rappellent la palette de Mondrian – Christophe Guery organise son vocabulaire esthétique qui définit lʼesprit des lieux. Sa visite parcourt en alternance des passages assombris propices au recueillement et des espaces envahis par des rais de lumière verticale.
Les rues intérieures de la Cité sont représentées sans présence humaine de manière à visualiser le silence quʼintime la pénombre qui règne dans les voies menant aux habitations. Le photographe insiste sur cette obscurité éclaircie par la peinture vive des portes et des coffres destinés à recevoir le pain, le lait et les journaux des livreurs ; il relève aussi les lumières multicolores provenant des carreaux de verres insérés dans le béton comme des vitraux confectionnés par le Mouvement Moderne.
Mais sitôt que le regard se tourne vers lʼextérieur, la terrasse et les allées qui y conduisent, lʼespace est envahi par une illumination éblouissante. Christophe Guery a su montrer par sa pratique de la couleur lʼEsprit Nouveau que souhaitait créer Le Corbusier et le mode de vie qui en découle, le spirituel au quotidien.
En marge de la photographie traditionnelle dʼarchitecture, les prises de vue de Christophe Guery et la visibilité quʼil propose dans lʼensemble de sa série, le situent au plus près de lʼintention de Le Corbusier qui écrivait :
« Lʼarchitecture est le jeu savant, correct et magnifique des volumes assemblés sous la lumière. »
Robert PUJADE, Historien de la photographie
Exposition du 22 Septembre au 20 Novembre 2015 – Galerie Domus 69100 Villeurbanne